La Chine face au mur de l’environnement ?
Les 12 et 13 mai 2016
Géant politique depuis sa création en 1949, la République populaire de Chine est devenue en un peu plus de trente ans un géant économique. Dixième économie du monde en 1980, elle a accédé à la deuxième place en 2009. Reste que ce passage de la 10e à la 2e place mondiale ne s’est pas fait sans contreparties sur le plan social et environnemental. La Chine vit, à la fois comme en accéléré et de manière paroxystique, des problèmes que les anciennes nations industrialisées ont rencontrés – et tenté de régler avec plus ou moins de succès – depuis le milieu du XVIIIe siècle. Au point que, comme l’écrit Marie-Claire Bergère, « la destruction de l’environnement et l’aggravation des inégalités sociales engendrées par le rythme accéléré de la croissance chinoise risquent, à moyen ou même à court terme, de bloquer cette croissance tant par l’épuisement des ressources naturelles que par l’intensification des souffrances sociales[1] ».
Ainsi, la Chine est l’un des pays les plus inégalitaires du monde. On ne reviendra pas ici sur les conditions de vie des salariés chinois dans des entreprises pourtant aussi connues de Foxconn, pour ne rien dire des mines où 4 700 ouvriers ont péris en 2006. Ni sur celles des habitants des tristement célèbres « villages du cancer », expression par laquelle on désigne les bourgs et les villes proches de sites industriels où sont observés des taux de cancer anormalement élevés. La consommation d’énergie est un bon révélateur de la pression exercée par une économie sur le milieu, tant en termes de prélèvement (tonnes de charbon…) que de rejets (tonnes de CO2…). Or, entre 1971 et 2010, la consommation énergétique chinoise est passée de 395 millions de tonnes équivalent pétrole à 2,469 milliards, soit une multiplication par 6,2 (inférieure, remarquons-le, à l’augmentation du PIB). En 1971, la consommation énergétique chinoise représentait 7,1% du total mondial, contre 19,3% quatre décennies plus tard. De tels chiffres et de tels taux de progression illustrent parfaitement la montée en puissance de l’appareil productif et l’accroissement de la quantité de polluants rejetés. Il n’est donc pas surprenant de constater que sur les trente six villes les plus polluées du monde par les particules de moins de 10 microns de diamètre, dix-neuf se trouvent en Chine.
De nombreuses études ont été menées par la Banque mondiale, le ministère chinois de l’Environnement (anciennement SEPA pour State Environment Protection Administration), le MIT… Malgré des différences dues essentiellement aux méthodes de calcul employées, les chiffres obtenus finissent néanmoins par se recouper : la pollution extérieure de l’air causerait entre 350 000 et 400 000 décès par an, la pollution intérieure autour de 300 000, la pollution de l’eau 60 000. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que le chiffre de 750 000 morts prématurés par an dus à la pollution soit assez souvent avancé. Tout cela engendre, depuis le début des années 1990, une prolifération de ce que la novlangue du Parti nomme les « incidents de masse » – comprendre les grèves, les manifestations, les blocages de voies de communications, les séquestrations de dirigeants, les confrontations de groupes avec la police, les sit-in, les émeutes… –, dont le nombre est passé de moins de 9 000 en 1993 à 180 000 en 2010. Or, en 2005, sur les 87 000 mouvements recensés, 51 000 (58%) étaient liés à des problèmes de pollution. Rien n’indique que cette proportion ait baissé depuis.
Comment donc les dirigeants chinois et la population affrontent-ils le défi écologique ?
Après la journée d’étude du 16 février 2012 consacrée aux « Paradoxes de la puissance chinoise », le CIAPHS (Centre Interdisciplinaire d’Analyse des Processus Humains et Sociaux), poursuit la réflexion sur la Chine en abordant le défi environnemental auquel est désormais confronté l’empire du Milieu.
Ce thème sera traité lors de d’un colloque de deux jours qui se tiendra à Rennes les 12 et 13 mai 2016.
Il pourra être abordé sous différents angles : économiques, politique, sociologique, juridique, historique, géographique… Les contributions pourront traiter aussi bien des effets de la montée en puissance industrielle chinoise sur l’environnement (tant national qu’international) et, partant, sur la société, que la prise de conscience de ces problèmes par les dirigeants mais aussi par les citoyens (société civile, réseaux sociaux, associations, ONG…). Il s’agira donc de faire le point aussi bien sur l’état de l’environnement en Chine que sur l’état de l’écologie politique ou de la politique écologique chinoise.
[1] Marie-Claire Bergère, Chine. Le nouveau capitalisme d’État, Paris, Fayard, 2013, p. 215.